3 au 8 juillet : traversée de la Vanoise

Compte rendu de la traversée de la Vanoise de Landry ( Tarentaise) à Modane ( Maurienne)

6 participants STD : Catherine Lanos – Catherine Fourrier- Béatrice Reverdy – Béatrice Guillet Revol – Jean Louis Cristofol – Marc Papet

6 jours, de refuge en refuge, par le GR 5 et GR 55

J1 : 3 /07 /2022 : Landry Gare → Refuge de Rosuel 1556 m
La veille, Catherine L nous annonce qu’elle est cas contact et qu’elle va devoir nous faire faux bond. Depuis deux ans, cette saleté de Covid fourre son nez partout… Un test plus tard, il s’avère qu’elle est négative. Elle sera avec nous demain. Ouf!
Le train nous dépose à la gare de Landry ( alt 700m) vers 11h30. A cette heure, il fait une chaleur de four dans la bourgade silencieuse. Le démarrage est laborieux car la route nous restitue sa poussière malsaine et exhale des relents de bitume brûlant. A 1km du départ, on attrape enfin le GR5. A l’ombre sous les arbres, dans les effluves de résine et d’aiguilles de pin, on respire mieux. Vers 13h, nous trouvons une clairière ombragée pour casser la croûte.
Plus haut , le sentier traverse différents hameaux de Peisey-Nancroix dont les maisons, toutes bien retapées, sont tirées à 4 épingles. Station satellite des Arcs, on sent qu’ici, il y a de l’argent et que les fautes de goûts ne sont pas tolérées.

Vers 1300m, le GR traverse le torrent du Ponturin. En versant Nord, sous les sapins, il règne une fraîcheur bienfaisante. Les sacs semblent s’alléger et la marche se délie.
Nous rejoignons le refuge de Rosuel alt 1556m vers 17h00. Pause bière, douche et repos en chambre: le rituel immuable des étapes en refuge.
Durée globale : 5h15 – D+ : 850m
Menu du soir, après la traditionnelle soupe : Pâtes à la Carbonara
Nous ne sommes que 8 pour cette 1ère nuitée, notre groupe de 6 et un couple de berlinois bien sympathiques. Il faut dire que le refuge est accessible par la route et qu’il tourne surtout grâce au bar et à la petite restauration.

J2 : 4/07/22 : Refuge de Rosuel → Refuge du Col du Palet 2588m
Départ à 8h25 – Le temps est mitigé, des orages sont annoncés pour l’après midi. Il fait frais, les pentes sont douces, la montée entre soleil et nuages est bien agréable. Vers 2200m, nous dépassons le lac de la Plagne avec, sur la rive opposée, le refuge d’Entre le Lac. Les marmottes batifolent dans les prairies au milieu des fleurs innombrables. Délurées, elles ne craignent pas de s’approcher tout près de nous.

A cette altitude, nous sommes revenus au printemps. Béatrice R. qui a de solides notions de botanique, accepte de partager ses connaissances avec nous.
Le temps s’engrisaille nettement, quelques gouttes nous font sortir les vestes. Ce coup de semonce nous fait accélérer le pas. Il faut abandonner l’idée de pique-niquer au bord du lac de Grattalet et gagner au plus vite le refuge. L’orage éclate juste à notre arrivée vers 13h00. On l’a échappé de peu. Nous mangeons au sec à l’intérieur. Nos deux berlinois arrivent une heure après. Eux, n’ont pas eu la chance d’échapper à la douche.
Vers 14h30, le soleil est de retour. Avec Béatrice R. et Catherine F., nous montons au Col du Palet, 90 m plus haut puis bifurquons à gauche sur l’épaule. Elle se transforme progressivement en arête sur laquelle court une sente facile. Elle mène au sommet de la Pointe du Chardonnet 2870m.

Le refuge est quasiment complet. L’unique douche, glacée, n’incite pas à s’éterniser. Partout, des panneaux demandent d’économiser l’eau et font l’éloge de la « toilette de chat ». Ce refuge fermera, une semaine après notre passage, à cause du manque d’eau.
D+ : 1030m le matin + 260m l’après midi = 1290 m
4h35 de marche le matin +1h15 l’après midi= 5h50
Menu du soir, après la soupe traditionnelle : pâtes à la bolognaise.

J3 : 5/07/22 : Refuge du Col du Palet→ Refuge de la Leisse 2487 m
Départ à 8h10. En 10 mn, nous remontons au col du Palet 2652 m. L’Aiguille Noire de Pramécou ( 2977m) nous domine de sa masse écrasante. La cime s’extrait progressivement de sa gangue de nuages et nous offre quelques fulgurantes apparitions. 500m en contrebas, Val Claret et son architecture futuriste impose son incongruité surréaliste au milieu de cet écrin de haute montagne. Est-ce beau ? Est-ce laid ? Impossible de définir l’impression mitigée qu’on éprouve. L’envie impérieuse de prendre en photo ce côtoiement paradoxal pose question.
La descente s’effectue en longeant d’énormes dolines de gypse puis à travers les piste de ski. Sur place, c’est un ballet de pick-up, camion-malaxeur et tracto-pelles, un concert de groupes électrogènes, disqueuses et perceuses. Un nombre impressionnant d’échafaudages se dressent en tout sens. On décharge des panneaux de laine de bois, on cloue des bardages, on élève de nouveaux bâtiments. Les estivants baguenaudent au milieu de ce capharnaüm, indifférents. Leur perception de la montagne se résume au microcosme qui les entoure. Immergés une petite heure dans cette «ultra-civilisation », nous faisons nos courses dans un Sherpa, car il faut assurer les prochains pique-niques de midi.
Le GR 55 nous replonge très vite dans la nature et le silence. Il remonte paisiblement jusqu’au Col de la Leisse 2761m. Les derniers nuages s’évacuent et le beau temps s’installe définitivement, pour les trois jours restants. Sur ce versant orienté Nord, j’espérais rencontrer quelques névés un peu raides qui auraient pimenté plaisamment l’étape. Ils auraient surtout justifié ma corde et les piolets que Jean Louis et moi avions ajoutés à nos sacs. Mais non! Le sentier n’a pas conservé la moindre trace de neige. Cette année, l’hiver a été particulièrement sec en Vanoise et la canicule de Juin a parachevé le nettoyage. Connaissant les étapes suivantes, je devine, désappointé, que notre matériel restera au chômage.
Nous cassons la croûte peu après le col ( 2761m) puis nous nous accordons une petite sieste, allongés sur des strates de calcaire chauffées par le soleil.

La descente s’effectue le long d’une vallée lagunaire désertique. Le lac des Nettes étire ses eaux bleu cobalt sur un immense désert de pierrailles. La beauté envoûtante de ce paysage aux lignes épurées engendre l’enthousiasme. On se croirait transportés d’un coup sur les hauts plateaux andins.

Arrivée vers 15h00 au refuge de la Leisse.
D+ : 730 m – durée globale : 5h30
Menu du soir, après la traditionnelle soupe : riz accompagné d’un dahl de lentilles corail.

J4 – 6/07/22 : Refuge de la Leisse → Refuge de l’Arpont 2310 m
Jean Louis se réveille ce matin avec une bonne crève. Il renifle, éternue et se mouche copieusement.
Départ à 8h10 – Le temps est splendide. Nous descendons le long vallon de la Leisse, au pied des pentes sud de la Grande Motte puis de la Grande Casse. Au pont de Croé Vie 2098 m, nous l’abandonnons pour 250m de remontée du flanc Est jusqu’à une bifurcation. Vers le haut, la montée se poursuit en direction du refuge du Col de la Vanoise. A gauche, c’est le début d’un sentier balcon que l’on suivra jusqu’à l’objectif du jour. Un bouquetin désoeuvré nous attend à cette intersection. Perché sur un muret de pierres sèches à quelques mètres, il observe notre arrivée. Il tournera autour de nous sans nous lâcher du regard, durant les 20 mn de pause que nous nous accordons.

Après avoir traversé quelques clapiers, on rejoint une zone en plateau. Les séracs des glaciers de la Vanoise nous dominent bientôt puis apparaît l’étrave caractéristique du Dôme de Chasseforêt. La chaleur monte d’un cran. Au lac des Lauzières ( 2479 m), trois d’entre nous n’hésitent pas à se déshabiller pour nager un moment. Avec la canicule, la température de l’eau avoisine les 20°.

Nous arrivons au refuge de l’Arpont à 16h15. L’ancien refuge avait du charme ; l’ajout récent d’un gros bâtiment, sorte de paquebot aux courbes contemporaines est une réussite sur le plan architectural.
Durée globale: 8h05 – D+ 762 m – 18,8 km
Menu du soir, après la traditionnelle soupe!… Pâtes sauce bolognaise.

J5- 7/07/22 : Refuge de l’Arpont → Refuge de Plan Sec 2320m
Dès 5h30, Jean Louis se charge de nous réveiller avec force râclements de gorge, sternutations, éternuements et quintes de toux. Il est clair que sa crève s’aggrave. Le problème, c’est qu’il nous réveille une heure trop tôt. Le petit déjeuner n’est programmé qu’à partir de 7h00. Je le lui fais remarquer discrètement alors qu’il plie déjà sa couette au pied du lit. « Oh, m… ! » s’écrie-t-il en regardant sa montre. Confus, il se recouche. Cinq minutes plus tard, le voilà qui ronfle!
Départ à 8h. Le sentier en balcon se poursuit. Le vide se creuse en contrebas sur Termignon et le fond de vallée de la Haute Maurienne. Après la traversée d’une incroyable coulée de pierraille issue de l’ancien glacier du Govard, nous cassons la croûte au Col de la Loza 2317m.

Le sentier sinue au flanc de la Dent Parrachée. Un chemin bien aménagé ( soutènements métalliques, grillages recouvrant les pentes…) permet de descendre en sécurité dans les barres au-dessous de la Turra. Le terrain est instable, mélange de gypse et de cargneule friable, propices à un ravinement extrême.
Jean Louis n’a pas la pêche, sa crève le fatigue et il arrivera bien cuit à Plan Sec. Ce refuge traditionnel est un petit bijou : trois petits chalets aux murs de pierres, charpente massive en mélèze, toits de lauzes, géraniums à profusion aux fenêtres et terrasses. Il domine le vallon d’Aussois avec le Râteau d’Aussois et la Pointe de l’Echelle en toile de fond.

Arrivée au refuge à 15h30 – Durée globale de l’étape : 7h25 – D+ 819m – 18 km
Ouf! Ni riz, ni pâtes ce soir. Nous sommes dans un refuge privé, contrairement aux autres qui appartenaient au parc. Un vrai effort est fait sur le plan culinaire. La soupe est suivie d’une ratatouille puis de polenta avec deux saucisses chacun. Après le fromage, le fin du fin restera le dessert : Une crème brûlée flambée au génépy devant nous! Ajoutons qu’ici, les douches chaudes ne sont pas à 3 ou 4 euros mais comprises dans le prix de la demi-pension.

J6 : 8/07/22 : Refuge de Plan Sec → Modane Gare ( 1050m)
Pour être sûrs d’être à l’heure à la gare de Modane, (le train part à 16h10) nous avançons l’heure du petit déjeuner à 6h30.
Départ à 7h25 du refuge. Le topo donne 5h50 de marche effective, nous serons donc tranquilles avec le timing. Le temps est toujours au beau fixe. Après une courte remontée, le sentier plonge vers le Pont de la Séteria 2215m où l’on traverse le vallon de St Benoît, juste à l’amont du barrage de Plan d’Amont.

Il faut remonter de plus de 200m sur le versant opposé pour rejoindre le sentier balcon issu du refuge du Fond d’Aussois. Il traverse le plateau du Mauvais Berger, passe le col Barbier à peine perceptible sur le terrain. Puis la longue descente vers la Maurienne commence et la température s’élève progressivement. Nous avons opté pour un itinéraire bis qui ne suit plus le GR 5. Il permet d’amorcer la descente plus tôt, bien avant le passage à proximité du refuge Doran. Pour Jean Louis qui se remet déjà de sa crève et pour le mauvais genou de Catherine, ce sera plutôt un bon choix. Les descentes relativement douces leur seront moins douloureuses qu’ils ne le redoutaient.
Vers 12h30, nous rejoignons l’aire de pique nique d’Amodon ( 1401m). Un panneau indique que Modane n’est plus qu’à 1h00. Nous avons tout le temps qu’il nous faut. Nous mangeons à l’ombre et profitons de l’herbe tendre pour faire une petite sieste.
A 14h30, nous nous installons au bar, face à la gare. L’heure de la bière a sonné !
Temps de marche : 6h09 – 17,8 km – D+ : 434m D- : 1663m

Dès le lendemain, samedi 9/07, Béatrice Reverdy développe les premiers symptômes du Covid : maux de gorge et fatigue ; un peu de fièvre le lendemain. Le lundi 11, c’est au tour de Béatrice Guillet Revol d’être atteinte. Entre temps, Jean Louis se fait tester . Le résultat est négatif mais il y a fort à parier qu’il l’a contracté durant la traversée et qu’il est déjà revenu à la normale.
Le mercredi 13, c’est au tour de Catherine Fourrier de tomber malade: gros rhume et fatigue pendant 48h. Positive le jeudi , elle redevient négative dès le dimanche.

Fleurs identifiées pendant la traversée : edelweiss, gentianes, centaurées, saxifrages, joubarbes, doronics, un plant d’arnica, asters, benoîtes, androsaces, raiponces, linaigrettes, génépy, silène acaule, linaire des alpes… Béatrice R pourrait compléter la liste car j’en oublie beaucoup !

Marc P.