5 Octobre 2024 : Le Grand Som

 

CR de Marc

Nous nous retrouvons à douze sur le parking principal de St Pierre de Chartreuse à 8h30.

Les voitures sont abandonnées au bord d’une piste forestière, au débouché du sentier du Racapé, notre sentier de retour. ( alt 1025m) A 9h00, la troupe s’ébranle. Le beau temps est annoncé dans la journée mais pour le moment, une brouillasse morose et froide nous séquestre. Il faut suivre un moment la piste forestière avant de pouvoir s’en échapper. Dans mes notes de 2015, j’avais écrit qu’il fallait intercepter, à la 3ème épingle, un sentier en provenance de St Pierre. Effectivement, sur place, en retrait de piste, une vague sente apparaît, surmontée d’une croix jaune… Je brave l’interdit, d’abord sans état d’âme, mais après quelques dizaines de mètres, il faut se rendre à l’évidence. Ce cheminement est manifestement déserté par les randonneurs depuis longtemps. De quoi se poser des questions lorsqu’on entraîne 11 compagnons derrière soi… Bon ! J’y suis passé 9 ans plus tôt et nous n’avions pas eu de problème. Ce que j’ignore, c’est qu’entre temps, le sentier a été décalé de quelques dizaines de mètres ; il suit aujourd’hui un cheminement parallèle au nôtre, 50 m plus au nord, avant de s’en écarter pour contourner par le bas les barres rocheuses de Roche May. Mais cela, ma photocopie de carte de l’époque ne peut pas le deviner. Je découvrirai l’imposture le soir, en lorgnant Open Topo pour essayer de comprendre. Ça grimpe sec, droit dans la pente. Pente glauque et fangeuse, qui ne semble pas couper le souffle de mes équipiers, puisqu’ils poursuivent tranquillement leurs conversations. Les bienheureux! 200 m de dénivelé plus haut, on recoupe une vieille piste de débardage, envahie d’herbes folles et dégoulinantes. Elle revient vers le nord, bon signe ! Toujours aucune trace de fréquentation : mauvais point!… La montée se poursuit, inexorable. Jacques, qui suit notre cheminement sur une application de son téléphone, finit pas lever le lièvre : on est trop haut ! La barre transversale sud de Roche May va nous couper la route. On va droit dans le mur. Le col du Frenay se situe à l’opposé, au nord de ce bastion rocheux. Il faudrait revenir en arrière, redescendre de presque 100m de dénivelé pour trouver un sentier de dérivation, inaperçu à la montée… Cette option ne déclenche pas l’enthousiasme. La falaise est déjà visible devant, à travers les arbres. Avec Eric, nous proposons de monter sur place faire une reconnaissance. Parvenus au pied de la muraille, une sente à peine visible s’échappe en contrebas. Nous repérons une, puis deux, puis trois grosses marques ocre-rouge, un balisage à l’ancienne. Un échappatoire semble exister, qui traverse dans la partie rocheuse. Nous rameutons les copains. Pour la suite, tout le monte met la main à la pâte. Le balisage nous guide mais la végétation revêche fait de l’opposition. Elle oblige a des contournements multiples. La forte pente ne facilite pas les choses. Chacun y va de son meilleur passage, ouvrant un cheminement un peu sanglier mais qui porte ses fruits. Après 20 minutes de démêlées, nous recoupons le sentier « officiel ». Enfin posés sur des rails confortables ! Une perte de temps, certes ! mais finalement, pas trop de dénivelé perdu.

Vers 1700m, dans les éboulis du versant ouest, la lumière éclate d’un coup. Les falaises émergent, resplendissantes, si blanches sous l’azur qu’on les croirait givrées. Le rideau se déchire ; il s’ouvre sur une mer de nuages qui s’étale à perte de vue, crevée par quelques îles de Chartreuse et du Vercors. L’instant est magique. A la sortie du pas de la Suiffière, on émerge de l’ombre et la chaleur nous tombe dessus. Alors que le blanc-gel raidissait les herbes du flanc ouest, on prend 15° d’un coup, côté est. Nous rangeons les bâtons dans le sac, une opération qu’on aurait dû faire bien avant. Dans les derniers ressauts rocheux, ils étaient plus embarrassants qu’autre chose. Certains regardent avec inquiétude la suite à venir : l’arête Sud, une étrave rocheuse qui s’élance en flèche jusqu’à la croix sommitale, 200m en dénivelé au-dessus de nous. Impressionnante mais finalement abordable. Les passages en III se succèdent mais ne sont jamais vertigineux. Le fait de sortir et d’installer parfois mon brin de corde en main courante ou en assurance crée, je pense, un effet psychologique rassurant qui profite à l’ensemble de l’équipe. Sa présence met en lumière les prises et le passage apparaît facile. « Pas besoin de corde ! » pensent , à juste titre, la plupart de mes compagnons. Et ils mettent un point d’honneur à ne pas l’utiliser. Je crois cependant , pour ceux qui sont le moins à l’aise, que la perception de cette arête sud aurait été plus stressante, s’ils avaient dû l’aborder sans savoir qu’une corde était disponible.

A 4h15 du départ, nous cassons la croûte à proximité de la croix ( alt 2026 m). Exposés au soleil et à l’abri du vent, une douce torpeur nous fait hasarder les tee-shirts. De temps à autre, Le soleil allège la croix de son fardeau de glace. Des dizaines de kilos se fracassent au sol sans crier gare. Il vaut mieux ne pas être dessous. A la descente, le passage du Racapé est impressionnant par sa verticalité et la vue plongeante qu’il oblige à avoir sur la vallée. Les 50 m de câbles qui équipent le final ne sont pas là pour le décorum ! Au col des Aures ( 1631m), les passages techniques sont enfin derrière nous . C’est relâche. Un sentier débonnaire, penté « SNCF », détricote paisiblement ses lacets dans la forêt. Après nous avoir opposé sa raideur toute la journée, le Grand Som capitule. Il nous déroule le tapis rouge jusqu’à l’arrivée.

Durée globale : 8h00 – Dénivelé : 1080m Participants : Catherine Fiol, Jean François Périnel ( les deux nouveaux) Dominique Chanut, Catherine Fourrier, Béatrice Guillet Revol, Fatiha Mammad, Noëlle et Jacques Meyer, Colette Neau, Marc Papet, Daniel Petit, Eric Vialle